5h45 vendredi 8 juillet, l’aube commence à chatouiller les nuages, je mets le contact direction Meudon pour retrouver Guigui, Sandrine, Cyril et Copsté à 6h30 pétante.
Je prends le duplex de l’A86 (j’habite à Colombes), les néons du tunnel défilent sur le capot et me rappellent toutes ses sorties et les sacrifices associés à la préparation d’un IM. Surtout les sorties longues en vélo qui m’ont arraché à la vie de famille et aux moments de partage avec ma fille de 8 mois.
C’est que je voulais non seulement finir, mais également faire un temps honorable en vélo. Du coup j’ai essayé de m’entraîner « sérieusement » à mon niveau et avec les dispo que j’ai réussi à caser entre le boulot et la famille. En gros ça donnait en moyenne 7h par semaine, avec un pic à 10h pour les sorties extra-longues.
La fin du tunnel de l’a86 et la fin du tunnel des entraînements, métaphore qui me fait sourire un moment, mais pas trop car je ne sais pas ce qui m’attend. Au-delà des 150km en vélo c’est l’inconnu…
6h25 je me gare en bas de chez Guigui, je suis le premier, Guigui me fait signe à sa fenêtre et les autres commencent à arriver. Guigui a affrété un trafic et le coffre est presque trop grand pour caser nos 4 vélos et nos valises. On se dit qu’il reste de la place pour les cadres ou roues qu’on va acheter à Roth
Un grand merci à lui pour avoir réussi à trouver ce bon plan !
Nous prenons le départ et roulons vers Greding notre lieu de résidence pour ces 3 prochains jours. Merci à Intox/Copsté pour l’organisation du séjour.
Le voyage en groupe est un super moment d’échange, et j’en profite car depuis que j’ai déménagé, malheureusement je suis un peu moins présent aux entraînements et donc moins « up to date » ».
La frontière passée nous découvrons les autoroutes allemandes, remplies de voitures allemandes qui tracent ! Défilé de BMW, Mercredes et Audi de grosses cylindrées. Arrêt déjeuner nous goûtons avec délectation la spécialité de cette aire d’autoroute : le steak goût saucisse ! Une « découverte » pour nous tous
A l’approche de Roth nous décidons de nous arrêter pour récupérer les dossards et visiter le village expo. Il fait déjà très chaud. Le village est juste hallucinant et la pression monte en voyant l’ampleur de l’évènement. On récupère les dossards, on passe 2 ou 3 fois devant le trinity et on trace vers l’hôtel.
On dépose le matos, et on file vers la pasta party. Là sous la tente il fait quasi +10°C par rapport à l’extérieur mais l’ambiance est juste hallucinante. Des pâtes, de la bière, des Meudonnais. Le top.
Samedi avec Cyril mon colocataire, réveil à 8h30 après une super nuit de sommeil. Cela ne m’étais pas arrivé depuis bien longtemps. Petit déjeuner et hop montage des vélos pour une petite sortie. On goûte au bitume allemand avec plaisir, on teste une dernière fois le matos sur une portion de la boucle et on rentre rassurés. On croise d’ailleurs F. Al Sultan sur le parcours. Au retour Intox choppe des orties pour son infusion du soir !
Préparation du sac run et départ avec le matos pour la parc à vélo dans l’après-midi. Là on se prend une claque par la chaleur, mais également par la foule et l’ambiance du parc. C’est juste électrisant.
Retour à l’hôtel pour préparer le gatosport et là surprise c’est le chef de l’hôtel qui les prépare et refuse qu’on l’aide.
Dernière platrée de pâte au resto (qui d’ailleurs avait une carte spéciale Roth pour les triathlètes en manque de pâte) et hop couché à 21h, mais impossible de trouver le sommeil avant 2 bonnes heures et le sommeil sera haché. Dehors il pleut.
Jour J 4h : le réveil sonne direction le petit déjeuner pour essayer de prendre des forces pour une longue, très longue journée. La salle de restaurant est déjà bien remplie ! Petit dej avalé, dernier check des sacs Bike et post-course et on embarque dans les voitures. Là Cyril indique qu’un dicton vosgien dit que qu’après une nuit de pluie, route sèche le matin, route mouillé le soir (ou quelque chose comme ça). Dicton vérifié 14h plus tard…
Après quelques bouchons nous arrivons sur le site, que de monde ! Cela grouille dans tous les sens, entre les spectateurs, les blondes à vélo, les bénévoles, la police et les triathlètes !
Avec Cyril et Guillaume on a un peu plus de temps car nous partons dans les 2 dernières vagues. Stress pour Guillaume dont la valve fuit après le gonflage. Changement de chambre à air express ! Un dernier caca de la peur (
Copsté) et on enfile les combinaisons lorsque les premiers pros sortent de l’eau. Cyril et Guillaume se dirigent vers la ligne de départ. Moi j’ai encore 5mn. Je rejoins finalement le sas de départ en entre dans l’eau, départ dans 5mn !
Purée mes lunettes fuient, j’ai de l’eau qui rentre un peu à droite. Bon je réajuste et cela devient étanche. Je me rapproche de la ligne de départ et j’entends au speaker « One minute to go ». Je regarde devant, sur les cotés, derrière c’est juste impressionnant entre la foule, la musique, les montgolfières qui grimpent, l’hélico… Je n’ai pas froid mais j’ai des frissons. Après le forfait de l’an dernier à cause d’une tendinite, cela fait 1 an que j’attends cela et j’y suis.
Boom le départ est donné et c’est parti !
Je démarre sur un rythme prudent, pas trop de baston c’est l’avantage des vagues. Au bout de 5mn je commence à avoir mal aux bras, mais bon je m’affole pas j’avais déjà connu ça lors des CD et cela passe au bout de 10mn. Sûrement une sombre histoire d’acide lactique…
En prenant les respirations j’en profite pour regarder sur les bords du canal, des spectateurs nous suivent à vélo, avec des banderoles… Et puis c’est pratique pour nager en ligne, suffit de nager parallèle en regardant sur les cotés, pas besoin de nager en polo !
Je commence à rattraper des bonnets orange (vague précédente) ça fait du bien au moral. Je vois plusieurs nageurs tout près du bord, et là je cogite en me demandant s’il y’a du contre courant, chose peu vraisemblable, ou alors peut-être ont-ils pieds… Bref j’essaye de passer le temps. Je n’avais nagé que des CD, et je commence à trouver le temps un peu long. Le U-turn arrive et hop demi-tour. Je me sens mieux et je commence à plus appuyer sur les bras. D’autres couleurs de bonnets apparaissent, tout bon. Une envie d’uriner apparaît, là je me concentre pour une tentative jamais testé : le pipi en nageant. Après 3mn de concentration et de coordination j’arrive à exécuter ce multitasking !
Je passe devant la ligne d’arrivée et me dis cool c’est pour bientôt, bah en fait non le U-turn final n’est pas à coté ! Je le passe et ligne droite vers T1.
Sortie de l’eau, la garmin annonce 1h15. J’avais estimé entre 1h15 et 1h25 le temps nat. Donc conforme à mon meilleurs temps.
Hop je sors un peu groggy, mais me rends compte que je suis au même endroit que celui filmé avec les pros lors des épreuves précédentes. Aujourd’hui je suis acteur dans le même décor : juste top !
Je récupère mon sac et direction la tente. Là c’est une atmosphère anarchique sous la tente. Vite une place sur le banc ! Une bénévole me vide le sac et pudiquement pour les autres je me mets une serviette pour enlever mon maillot de bain et mettre mon cuissard vélo. Je suis bien le seul. J’avale mon gel et redonne mon sac j’avais prévu un coupe-vent et les manchettes au cas où mais inutile, il est 9h du matin et il fait déjà presque chaud.
Je choppe mon vélo et je vois Guigui qui sort de la tente. Cool il va me doubler et on va pouvoir se taper la causette.
VELO :
J’enfourche le vélo et à la sortie du parc, je vois des oreilles de lapin s’agiter devant moi. Mais c’est Sandrine (miss Guigui) ! Cheeeze devant la photo !
Allez hop c’est pas le tout mais y’a 180km. A peine 5km et premier ravito proposé par l’armée allemande ! Je choppe un bidon iso et une banane, régime que j’appliquerai méthodiquement à chaque ravito. A la fin du ravito militaire 2 soldats au garde à vous saluent les cyclistes !
Je m’applique pour être en régime stabilisé et une puissance ressentie constante ce qui donne a peu près à 34 sur plat, un peu moins en ville et en côte. Guigui me rattrape rapidement on se tape un brin de causette. Je le laisse rapidement filer et faire sa course. Raelert nous double à ce moment là et vu qu’on roulait à 36 cela ne m’a pas paru impressionnant, mais bon le bougre fait 4h11 ! Le deuxième pro Kienle nous double presque 15mn après. Les écarts sont assez importants. Les ravitos s’enchaînent et je m’applique à respecter une hydratation maximale. Chaque village est l’occasion pour les Allemands de montrer leur ferveur pour l’événement, des barbecs, des sonos avec speaker qui nous encourage, groupe de rock, pompom girls, enfants qui nous tendent la main.
Je surveille régulièrement ma roue arrière car l’angoisse c’est la crevaison. Je vois d’ailleurs le quad d’assistance passer avec des roues zipp en dépannage : sympa !
Les kilomètres passent et je remarque assez peu de drafting volontaire, c’est plutôt bon esprit. Je me sens bien, les jambes vont bien, l’estomac aussi.
Tout va bien jusqu’à un virage ou là c’est le choc : le solarer berg en ligne de mire. Encore plus impressionnant qu’en photo. L’effet de perspective est saisissant, la route finit par disparaître sous la foule. Un peu d’appréhension car ça y est le moment fort arrive. J’applique la tactique nono et attends que mon prédécesseur prenne de l’avance et je m’avance dans la gueule du « monstre » qui finit par me happer entier. Petit braquet car ça monte quand même et là c’est juste énorme, je fends la foule tel un futur grimpeur à l’alpe d’huez. Seul différence y’a pas de mecs qui court à coté, pas la place !
On aurait envie que ça dure plus longtemps, mais ç’est déjà fini !
La fin de la première boucle approche et je me fais doubler par Chrissie Wellington entouré de 4 ou 5 motos.
La deuxième boucle est plus difficile avec la chaleur et le vent de face pour rejoindre Greding. Je m’asperge la tête dans les montées pour faire baisser la température. Au niveau ravitos je prends désormais des gels en plus et j’organise mes poches dorsales pour y avoir une poubelle à vider lors des prochains ravito (avec les emballages tout collant de gels).
J’approche la limite d’entraînement des 150 km et me voila dans l’inconnu. J’arrive à ne pas faiblir l’allure et me sens bien au niveau musculaire et digestif. Je sens quand même que les bananes ont plus de mal à passer. J’applique toujours la méthode mou dans le dur et dur dans le mou. Je me surprends à doubler de plus en plus de monde. J’arrive à ma 3ème pause pipi preuve que mon hydratation est bonne.
Lors du passage dans une ville la sono passe « what a beautiful day » de U2 et première montée de larmes, je pense à la famille et aux Meudonnais devant leurs PC. Waouw garde ton eau pour tes muscles que je me dis.
2ème passage au solar, un peu moins de monde mais la magie opère toujours. Je passe devant T1 et je regarde mon chrono, je me dis qu’un sub6 est possible à condition d’accélérer un peu. Du coup je me mets en mode Longchamps sur les 5 ou 10 derniers km et je me sens comme un Champion. Pas bien raisonnable avec le marathon qui arrive, mais de toutes façon je sais que je ferais un mauvais temps, donc autant en faire un bon sur le vélo. J’arrive à T2, un bénévole me prends le vélo je regarde la garmin : 5h52 !
Au final j’aurai bu 10 bidons et fait pipi 3 fois. J’ai réussi à tenir la position aéro sans trop de difficulté.
Le bénévole prend un peu de temps à chopper mon sac de transition et là dans la tente il fait pas loin de 40°C. je prends du temps pour me changer, discuter avec d’autres Français. Toujours aussi pudique (envers les bénévoles) j’avais prévu une 2ème serviette, mais bon hommes et femmes se changent nus ! Je m’enduis de crème solaire je bois, je fais encore pipi et je repars. Cette fois çi le départ est en monté pour atteindre le canal. Je cours les 5 premiers km puis après je craque j’alterne marche et cap. Je double peu et me fait doubler. Au loin le ciel est très noir mais il fait encore très chaud. Je trempe ma casquette, prend des éponges et adopte aux ravitos un verre d’iso et 2 tucs. Parfois du coca mais assez peu. Je refait pipi toutes les heures cette fois-ci. Les nuages d’altitudes commencent à voiler le soleil. J’essaye de voir si les vents sont vers nous ou en parallèle. Mais inexorablement le ciel noir s’approche, et les km défilent beaucoup moins vite. J’essaye de courir entre chaque ravito ce qui fonctionne de manière aléatoire. Les ravitos sont très bien fournis et on ne manque de rien. Traversé de la première ville les gens sont sympas, dire qu’ils passent la journée à nous voir défiler !
Km 15 je commence à avoir mal au pied type ampoule, je m’assois et j’enlève la chaussette pour y passer une éponge. Méthode qui miraculeusement fonctionne. Je regarde ma montre pour calculer l’heure estimée de passage au semi, je sais que je dois passer à 20h30 pour éviter d’être éliminé. C’est largement jouable, donc je commence à y croire, 2ème montée de larmes. Le corps commence à avoir mal et j’hésite à courir à 9kmh ou à marcher rapidement à 7. Le différentiel n’est pas si énorme mais l’économie de douleur oui.
Je gère mon effort sans me mettre dans le rouge. Ce ciel noir qui s’approche encore. Je croise Jérôme, Guigui, puis Cyril, puis reGuigui.
J’arrive dans le lieu dit la forêt dont Bubuch m’avait tant parlé à Venise. Et là l’orage commence. Tout d’abord par une grosse rafale de vent, puis les éclairs et le grondement. Les premières gouttes sont légères, presque chaudes, mais ensuite le débit devient diabolique et les conditions dantesques. Je suis au 29ème km et l’orage s’abat sur nous. Comme si les distances n’étaient pas suffisantes, la nature cherche à nous dissuader d’arriver ! Les spectateurs désertent mais les bénévoles restent là. Chapeau ! Je suis totalement rincé, et je commence à avoir froid lorsque je marche. Seule solution courir ! Mon corps n’est que douleur et mes chaussures font presque un bruit de succion à chaque foulée
Je pense aux phrases motivationnelles et me concentre sur celle disant « la douleur est temporaire, l’abandon est pour toujours ». Je commence à voir des ambulances emballer de couvertures de survie des athlètes en hypothermie. Mes ancêtres sont Quebecois pas question de céder au froid.
J’avance, et me rapproche de la libération. Je suis admiratif devant les bénévoles qui restent sur leur stand de ravito. Je continue de m’alimenter, les tucs sont moins bons lorsqu’ils sont mous ! Nouvelle difficulté éviter les flaques d’eau.
Km 35 ça commence à sentir bon, mais j’ai très mal lorsque je cours, pas tellement aux muscles mais plutôt aux tendons et articulations, faut dire que mon corps découvre la distance marathon. J’arrive en ville, plus personne, les places sont désertes. Pas grave je vais finir. La fin semble une éternité, je m’approche du stade, je sers les dents passe le portique sans faire attention qu’il n’y a plus personne dans les gradins. Chrissie me passe la médaille dans son pancho. Je suis hagard les yeux dans le vague titubant. Les secouristes me poussent pour faire passer une civière, la pluie s’est arrêtée sûrement morte de rire d’avoir pourrie ma fin de marathon pas grave j’ai fini. Je choppe mon tshirt finisher. Récupère mon sac file aux douche, m’assois et me mets à trembler. Je suis en hypothermie. Apparemment il n’y a plus d’eau chaude. Pas grave j’ai déjà pris ma douche de toute façon. Je me sèche, met des affaires sèches et mets le sweat Meudon tri avec la capuche (Merci Zarma pour la capuche !). Je fonce vers le ravito, prends une soupe et & sandwich. Ohhh la soupe chaude quelle bonheur ! Je l’ai plus apprécié que la bière.
Je rejoins les autres, coup de fil à ma femme, je commence par « Ca y est je l’ai fait, je suis ironman…. »
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