"Je ne sens plus la morsure du froid
Je ne sens plus la morsure du soleil
mais je sens toujours l'ivresse
de ces moments d'exception"
C'était ma minute poésie.
Bonjour,
Bon sang * quelles émotions procure cette course.
* en vo, mode briefing "bloody hell race ", "fucking shit moments " .
Arrivée à Silvaplana, gorges serrées et larme à l'oeil en découvrant la beauté, la sérénité du site.
Le passage sous la banderole "Ö till ö swim run world series Engadin" nous submerge.
On y est.
Flash back
Inscription le 15 Novembre, pied de nez à l'horreur qui nous a tous frappé.
Nous voulons vivre.
Vivre intensément.
Vivre une aventure partagée.
Prépa pas simple, blessures , doutes, usures,
mais motivation intacte.
8h précise-Suisse oblige- nous prenons le départ de " L'Engadin".
9 sections de trail pour 47km et 1600m de d+
8 sections d'une natation.... "vivifiante" .
Les deux jours précédents la course nous ont permis de valider définitivement la tenue de course et de visualiser très correctement la topographie du parcours.
Deux étapes indispensables pour aborder sereinement la journée.
Le gros du D+ est dans la 1ère partie.
Les longues nata dans la seconde ainsi que les portions plus roulantes de càp.
L'ombre des cut off serrés planant toujours sur le parcours, il ne faudra pas musarder.
Un point géo :
La vallée d'Engadin est situé dans le canton des grisons, sud est de la Suisse.
Trois villages principaux s'y succèdent et autant de grands lacs.
-Maloja, départ de la course, au bout de la vallée, surplombant un à pic vertigineux.
-Silvaplana , sport center , spot de kite et surtout village de la course.
-St Moritz, station de ski historique, hôte des JO d'hiver 1928 et 48.
(petite particularité sociale locale :
Les milliardaires n'osent plus sortir en rolls en ville
car il y a des millionnaires qui rodent en Porsche.
Un vrai problème quoi )
Le tout à 1800m d'altitude,
Ce qui est bien pratique pour justifier un souffle court ou une absence de cannes dans les montées.
La course :
Parti (trop?) de l'arrière, nous commençons par une rando.
car après les 2km de plat initiaux arrive une grosse montée, single de grosses pierres.
C'est le péage de l'A6 un Dimanche soir.
Impossible de doubler.
-Zen, cette énergie économisée nous servira plus tard.
Il est tellement facile de se cramer d'entrée.
Surtout pour des ptits bitos du D+ comme nous.
De plus, derrière moi, j'entends Nad respirer plus fort que d'habitude.
Elle qui grimpe normalement comme une biquette n'a pas l'air au mieux.
On reste calme et on attend que ça passe.
1er lac au bout d'une bonne heure et quart.
Eau annoncée comme vraiment gelée,
Je prépare la mise à l'eau, mon esprit et mes roubignoles.
Finalement, ce n'est pas si terrible que ça et les 300 m passent bien.
C'est même un plaisir.
L'eau claire, la montagne à droite, à gauche, c'est magnifique.
Une drôle de sensation au niveau respi néanmoins (ah bah oui, 2600m d'altitude qd même )
Le swim run commence pour du vrai.
Nous sommes désormais bien dans notre course , et profitons de ces moments magiques.
Nad et moi échangeons peu
mais bien.
Bien rodés sur les transitions, effectuées sans précipitations , les mises à l'eau sont sans stress.
Une3e nata un peu plus compliquée du fait d'un courant et d'une petite houle qui nous déporteront.
J'ai un peu de mal à distinguer la sortie de l'eau et Nad donne de la voix derrière pour m'inciter à rectifier le càp.
ça ne trompe pas, insidieusement, la fatigue s'installe.
Difficile de ne pas être dithyrambique mais les paysages sont vraiment somptueux.
C'est comme si rien ne manquait à la composition.
Les sommets enneigés,
les lacs turquoise ,
les vallons qui ondulent avec les fleurs des champs,
les vaches avec leur cloche,
la petite maison en pierre,
le portail rustique qui ouvre sur un sous bois
C'est beau comme un calendrier des PTT.
...s'il n'y avait pas ces mecs en néoprène .
Même s'il ne fait pas très chaud, le soleil tape,
ouvrir et baisser le haut de la combinaison est indispensable.
L'avoir fait plusieurs fois à l'entraînement aussi.
3h de course, dès que ça monte ,aïe, j'ai des épingles dans le genou.
Ce n'est même pas la mi course et j'essaye de ne pas y penser.
Nad va bien bien mieux et me relaye en côte qd elle se rend compte que ça cloche.
"ça ne t'ennuie pas que je passe devant ?"
"Ce qui m'ennuie , c'est presque que tu me le demandes seulement maintenant
"
On va pas bien bien vite mais nous reprenons du monde sans arrêt.
Sans savoir du tout où nous nous situons dans le classement, c'est bon pour le moral.
1er cut off passé avec 45' d'avance.
ça laisse un peu de gras au cas où.
Se présentent les longues natation.
1400 et 1200m avec seulement 3km de càp entre.
Elles font figure de juge de paix
C'est vrai que pour le coup, la flotte paraît vraiment froide.
NB :Si les courtes portions de nat sont presque un moment de récup
(l' option choisie est de nager sans forcer car de toute façon,
le gain chrono serait dérisoire),
là, je sens le compteur énergétique qui tourne à bloc.
La tête tourne un peu malgré la cagoule néoprène.
Je rentre petit à petit dans le dur.
Heureusement, sans toucher sans arrêt mes pieds, Nad est toute proche, c'est rassurant, c'est motivant.
Et pourtant en sortant de l'eau, elle tremble de tout son corps.
Une soupe chaude et de la saucisse sèche spécialité suisse au ravito de sortie de l'eau nous font beaucoup de bien.
Nous continuons de reprendre pas mal d'équipes qui coincent.
Je capte le regard admiratif des concurrents sur Nad.
Elle a basculé en mode guerrière.
Imperturbable , tête haute, jamais la première à vouloir marcher, toute entière investit dans la gestion des dernières portions,
elle prend les chose en main
et son mâle en patience.
Je suis rôti.
Le dernier cut off passé, nous savons que nous finirons et difficile de ne pas se laisser aller à couper l'effort dès que le chemin s'élève.
Des aiguilles à tricoter dans le genou, les dernières côtes sont pénibles.
Une longue portion de 8km à pied et deux places en mixte à venir gratter vont nous occuper un bon moment .
Nous échangeons sans arrêt à présent ou peut être est ce seulement dans ma tête que je lui parle.
Dernière nat, on "se dépêche" pour être à l'eau avant eux.
3km à pied à se fixer à voix haute des objectifs intermédiaires courir jusqu'au poteau, marcher 10m etc etc...
Ligne d'arrivée franchie en 8h03.
Immense émotion.
41e/180 équipes.
10e /50 équipes mixtes.
Le 3e et dernier slot pour Ö till ö ira par le biais du roll down à la 8e équipe arrivée 7' avant nous ( 5 des 10 premières équipes avaient déjà obtenu leur slot sur les courses précédentes).
Dommage mais nous sommes de tout façon encore un peu tendre pour nous frotter à la course suédoise.